31 décembre 2011

De la sensualité


 
" La sensualité, accord intime avec les qualités, ne se tient que dans son propre mouvement. De l'expérience sensorielle telle qu'elle a été éprouvée, on l'a vu, nous ne pouvons rien retenir, seulement constater les sédiments, les signes, qu'elle a laissés après son passage. Mais ces signes, dans l'écoute, dans l'écriture, les yeux fermés pour ne pas nous en laisser imposer par leur illusoire densité, leur arrogante insistance, nous pourrons en palper les contours, rôder sur leurs frontières. Éprouver, ce faisant, leur peau et l'envers de leur forme. En ce point où nous les effleurons, nous pouvons tout à la fois être eux et nous retirer d'eux, et dans la pulpe de nos doigts, dans le regret de notre adieu au moment de la séparation, dans l'évanouissement de cette brêve communauté de notre être et du leur, sur le fil de la coupure, connaître leur nostalgie et la nôtre, et tenter de lui donner forme à nouveau. Ecrire le mot, prononcer la parole, poser la touche de peinture qui, en cherchant à apaiser la douleur de la séparation fera revivre la présence, rouvrira - projet insensé si l'on y songe, mais réalité des songes - l'espace d'un instant. " 
 
- François Gantheret, La Nostalgie du présent

Souvent vie varie, bien fol qui s'y fie

"Sa volonté, comme le voile de son chapeau retenu par un cordon, palpite à tous les vents, il y a toujours quelque désir qui entraîne, quelque convenance qui retient."
-Gustave Flaubert, Madame Bovary *




Je viens de changer d'âge, nous sommes sur le point de changer d'année et je suis en train de changer d'appartement. J'entre dans ma dernière année avant la trentaine, 2012 a un fumet de fin du monde et j'ai peur de dormir chez moi.

Autour de moi, beaucoup de gens vivent des changements aussi, certains dans la souplesse et l'émerveillement, d'autres sans s'y faire. Ma belle-sœur se love dans les charmes de la rive gauche, là où ma camarade de blog, donc la situation est matériellement plus instable, se cogne à tout ce que Paris peut avoir de cruel. Certains à bientôt trente ans font de grands pas sur la voie. D'autres font des choix courageux et ont le sentiment de ne pas avancer assez vite. D'autres avancent, reculent. D'autres préparent leur quatrième enfant. D'autres ont si peu changé.

Et moi…
Petite branche frêle dans le vent, qui ne sait pas si l'aide des autres la renforce ou l'amoindrit, qui ne sait pas s'il faut se laisser emporter par la bourrasque ou continuer à pousser, et comment, pourquoi.

Âme mal nourrie par la matérialité quotidienne, corps tourmenté par les questions, intelligence qui rouille.


 
* Merci à Alice pour cet extrait

30 décembre 2011

Joies du jeudi #47


* Découvrir au retour d'une journée de travail mon nouvel appartement transfiguré par un mur d'étagères montées par mon compagnon. Je n'ai emporté qu'une partie de mes livres, je pense qu'ils y seront bien.

* Commencer la lecture du second tome de Quai d'Orsay, que je trouve encore plus génial que le premier. Chaque page, chaque case presque est une nouvelle source d'enthousiasme.

* Passer du temps avec mes deux plus vieilles amies, qui vivent désormais en province et que je ne vois plus assez souvent, mais qui me conservent une fidélité bénie. Me couler avec une délectation paresseuse dans la tranquillité versaillaise. Déjeuner chez ma cousine. Fêter Noël en famille, m'y trouver si bien. Les trois derniers jours des vacances ont été parfaits de calme et de passivité. Dans cette période de trouble, où au sens propre comme figuré je ne sais plus où j'habite, retrouver tout cet immuable m'a fait un bien fou. J'ai eu le sentiment de respirer à nouveau, comme si je pouvais enfin arrêter de nager, reprendre mon souffle et me laisser flotter.


* Porter de nouvelles boucles d'oreilles made in Vietnam.

* Voir un peu de statuaire grecque au Louvre.

* Partager mon premier dîner au 92 rue de Clignancourt.

* Être habitée après une répétition par la poésie de Saint-John Perse

… Étroits sont les vaisseaux, étroite notre couche.
Immense l’étendue des eaux, plus vaste notre empire
Aux chambres closes du désir.


* Retrouver la santé comme on se réveille d'un vilain rêve.

* Me laisser hypnotiser par les élucubrations électro de 2manydjs à la grande halle de la Villette.

* M'offrir une tranche de rire au concert des 25 ans de Chanson + Bifluorée.

* Dîner avec mon ami JPM et en apprendre de belles sur la vie à Paris au XIXème siècle. Saviez-vous que les Buttes Chaumont, qui font aujourd'hui le ravissement des bobos pique-niqueurs, on été bâties sur un gros tas d'étrons humains ?